Un point d’histoire

Le territoire algérien étant un carrefour méditerranéen, de nombreuses populations s’y sont succédé, certaines s’y sont installées pendant des siècles et se sont mêlées aux populations autochtones, d’autres n’ont été que de passage.

Le judaïsme y a existé de manière continue depuis l’antiquité, avant l’avènement de l’islam qui est présent en Afrique du Nord depuis le VIIème siècle. Le Maghreb et notamment l’Algérie, ont connu un royaume ibadite, celui des Rustumides, au VIIIème siècle et au IXème siècle ainsi qu’un régime chiite entre le Xème siècle et le XIIème siècle. Contrairement au judaïsme, le christianisme a disparu après l’islamisation du Maghreb, au XIIème siècle et est réapparu avec la conquête française.

Au XVIe siècle, des notables d’Alger ont choisi de faire allégeance au sultan ottoman qui exerçait le pouvoir politique officiel de façon décentralisée par une administration le représentant. La justice était déléguée à des juges, qadi et à des jurisconsultes mufti. L’empire appliquait un système de millet où chaque minorité religieuse était soumise à son droit religieux.

A partir de la colonisation française en 1830, les autorités françaises vont garder ce principe de personnalité des lois. Le 5 juillet 1830, le dey d’Alger, Hussein Dey et le maréchal de Bourmont commandant des troupes françaises ont signé la fin de la régence d’Alger à travers la convention de Bourmont. Celle-ci garantissait notamment la liberté de religion : « l’exercice de la religion mahométane restera libre. La liberté des habitants de toutes classes, leur religion […] ne recevront aucune atteinte ».

Le colonisateur français a eu très vite pour objectif de contrôler administrativement et politiquement les musulmans et donc l’islam, considéré comme un obstacle majeur à la politique d’assimilation. Pour ce faire, les tribunaux religieux ont été maintenus et un projet de codification du droit musulman, notamment avec le Code Morand, a été élaboré afin d’inventer un « droit musulman algérien ». Une série de mesures ont également été adoptées, parmi elles la confiscation des biens habous (biens de mainmorte immobilisés ne pouvant être ni vendus ni donnés, afin que leurs revenus reviennent à l’aumône) avec pour contrepartie la subvention du culte musulman. Au lendemain de la promulgation de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’Etat, il s’agissait paradoxalement de sortir de l’emprise du religieux en France mais de le maintenir en Algérie. Ainsi, alors qu’aucun culte ne devait plus être subventionné au regard de la loi de 1905, le décret du 27 septembre 1907 prévoyait un système dérogatoire pour l’Algérie qui laissait au gouverneur général la liberté d’accorder des indemnités temporaires de fonction aux ministres des cultes. Une campagne d’abrogation a été menée par les oulémas d’Algérie ainsi que le Parti communiste algérien, demandant la séparation entre l’Église et l’Etat mais aussi une égalité de traitement avec les autres confessions. En 1946, la Constitution française consacra le principe de l’assimilation législative de l’Algérie à la métropole. En 1947, le statut de l’Algérie fut adopté, créant une assemblée algérienne chargée de gérer, en accord avec le gouverneur général, les intérêts propres à l’Algérie. En 1953, l’Assemblée vota la proposition de décision relative à l’indépendance du culte musulman au regard de l’Etat en prévoyant la création d’un Conseil de l’Union générale des comités cultuels et l’indépendance matérielle du culte. Or, le Conseil d’État français rendit un avis défavorable le 20 octobre 1953, selon lequel l’assemblée algérienne n’avait pas le pouvoir de créer des comités cultuels, à plus forte raison une union générale qui les fédérerait.

Ainsi, dès le décret du 27 septembre 1907, l’Etat français s’est affirmé en Algérie, comme un Etat laïc contrôlant le culte musulman, ses lieux de culte, son personnel religieux et ses manifestations collectives. L’Algérie indépendante reprendra dès 1962 ce modèle de contrôle du culte musulman mais également des autres cultes.

Le paysage religieux aujourd’hui

 Même si la majorité de la population algérienne est musulmane sunnite de rite malékite, il existe des Algériens qui ne le sont pas. On rencontre ainsi des chiites et des ibadites. Si l’on ne définit plus le chiisme, l’ibadisme est une doctrine attachée à une forme de démocratie dans le choix des chefs spirituels. Les ibadites se réclament d’Abdallah al-‘Ibadi. Aujourd’hui, ils sont principalement situés dans le Mzab et sont considérés par certains comme constituant une troisième voie de l’islam.

Rattachées au sunnisme, il existe à travers le pays plusieurs zaouïas confréries religieuses ou cercles maraboutiques. Les zaouïas, dont les principales sont la Allaouiya à Mostaganem, la Rahmanya, la Tidjania ou encore El-Hamel, pour ne citer qu’elles, sont considérées comme étant les gardiennes d’un islam traditionnel. Il s’agit de tariqate, (pluriel de tariqa), soit un moyen grâce auquel les mystiques atteignent la pleine connaissance de la vérité soufie plus qu’un courant à l’instar du sunnisme, du chiisme ou de l’ibadisme.

Il existe également des Algériens qui se considèrent comme musulmans, les ahmadis, mais que l’ensemble de la communauté musulmane ne reconnait pas comme tels et excommunie. Le mouvement Ahmadiyya ou ahmadi tire son origine du Punjab au Pakistan et date de 1889. Son fondateur est Mirza Ghulam Ahmad qui fit savoir qu’il avait bénéficié d’une révélation divine l’invitant à fonder sa propre communauté. Il se présentait à la fois comme le Messie (chrétien), le Mahdi (musulman) et l’Avatar (hindou). On vénère son souvenir à Qadian où il est enterré. Les ahmadis sont en faveur d’une séparation du politique et du religieux et affirment que le jihad violent est interdit. Ils regrouperaient un peu plus de 4 millions de fidèles dans le monde. En Algérie, à partir de 2006, certains personnes cherchant un islam tolérant et non violent après les traumatismes vécus lors de la décennie noire, auraient commencé à suivre les émissions télévisées proposées par une chaine de TV arabe : Muslim Television Ahmadiyya (MTA). A partir de l’année 2016, ils ont commencé à avoir une certaine visibilité dans les médias algériens qui rapportaient des cas de condamnation dans une vingtaine de wilayas.

Il existe aussi des Algériens non-musulmans qui sont des catholiques, des protestants, des juifs mais aussi des libres penseurs et des athées.

Enfin, une église anglicane est également présente mais elle est principalement composée d’étrangers, notamment des étudiants africains et des représentants diplomatiques.

Ce rapport a pour objectif d’offrir un panorama des liens entre le religieux et/ou le droit et la politique dans l’ordre juridique algérien.

1.   Le religieux et la Constitution

L’analyse qui suivra repose sur la Constitution de 2020.

L’islam dans les différentes constitutions

Dès le premier texte constitutionnel de 1963, l’islam a été consacré religion de l’Etat (article 4). Toutes les constitutions ont maintenu le principe constitutionnel en leur article 2, selon la même formule : « l’Islam est la religion de l’Etat », sans plus de précisions.

Tout d’abord, la Constitution algérienne ne mentionne pas l’islam dans la devise de l’Etat algérien qui est « Par le peuple et pour le peuple » (article 13).

Les principes de séparation des pouvoirs (article 16 de la Constitution) qui n’a pas d’équivalent en en droit musulman ainsi que celui de la souveraineté nationale (article 7 de la Constitution) sont à la base de l’organisation du pouvoir depuis 1989. Les principes d’organisation démocratique, le principe législatif, la hiérarchie des juridictions, la représentation populaire et les droits et libertés fondamentaux sont tout autant consacrés constitutionnellement. Toutefois, la révision constitutionnelle de 2020 vient apporter une limite. En effet, l’article 34 alinéa 2 dispose qu’ « aucune restriction aux droits, aux libertés et aux garanties ne peut intervenir que par une loi et pour des motifs liés au maintien de l’ordre public, de la sécurité et de la protection des constantes nationales […] ». Cet article offre au pouvoir législatif la possibilité de limiter des droits constitutionnels par l’adoption d’une loi et pour des motifs de protection des constantes nationales. Toute la question demeure de savoir ce qu’est une constante nationale et de savoir si l’islam en est une. Dans l’attente d’une définition et de décisions de justice concernant l’article 34 alinéa 2, nous pouvons affirmer que « l’islam religion de l’État » n’a pas, jusqu’à aujourd’hui, d’effets concrets sur l’organisation du pouvoir ou des institutions. Ces dernières fonctionnent sur le modèle d’une séparation plus ou moins absolue des domaines religieux et étatiques. En effet, les autorités religieuses n’exercent pas de pouvoir politique et ne s’associent pas à son exercice.

Par ailleurs, à aucun moment les différents textes constitutionnels n’ont fait référence aux notions de charia ou de droit musulman. Parmi les institutions relevant du droit public musulman comme la commanderie des croyants (titre traditionnel des califes musulmans depuis le Calife Omar) ou encore la bay‘a (acte écrit ou oral par lequel la communauté musulmane prête allégeance au calife à travers ses représentants au moment où il accède au trône en contrepartie des devoirs rattachés à la fonction de Commandeur des croyants), seule l’institution de la shura, soit le devoir de consultation que doit respecter tout commandeur musulman, a été consacrée  par la Constitution. Cette dernière a été conservée à travers le Haut Conseil islamique (HCI) créé en 1989 (voir l’encadré ci-dessous). La Constitution délimite également le domaine de la loi, sans pour autant circonscrire celui de la charia. Ainsi, la Constitution ne fait pas de la charia une source du droit.

Le fait pour une loi d’être contraire à la charia ne suffit pas non plus pour la déclarer inconstitutionnelle. A fortiori, il n’y a pas de mécanismes de contrôle de l’islamité de la loi. La réforme de mars 2016 a introduit l’exception d’inconstitutionnalité. Désormais, en vertu de l’article 195 de la Constitution, « la Cour constitutionnelle peut être saisie d’une exception d’inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d’État, lorsque l’une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative ou réglementaire dont dépend l’issue du litige porte atteinte à ses droits et libertés tels que garantis par la Constitution ». Même si la charia n’est pas un droit ou une liberté constitutionnels selon la Constitution, en l’absence de décisions de justice, il est difficile d’affirmer qu’un justiciable ne pourrait pas évoquer sa contrariété ou celle à « l’islam, religion de l’État », pour soutenir l’inconstitutionnalité d’une loi. Il serait intéressant de voir la réponse des juges algériens face à une telle allégation.

Le Haut Conseil Islamique (HCI) a été institué par la Constitution de 1989 qui prévoit dans son Chapitre II « Des instances consultatives », l’article 161 qui institue « auprès du président de la République un Haut conseil islamique » composé de onze membres qu’il désigne parmi les personnalités religieuses et le président du HCI est désigné en son sein. Instance consultative, il respecte le principe musulman de shura, de consultation. Il est chargé « d’encourager et de promouvoir l’ijtihad ; d’émettre son avis au regard des prescriptions religieuses sur ce qui est soumis ; de présenter un rapport périodique d’activité au président de la République», selon l’article 206 de la Constitution actuelle. Ses membres sont désignés par le président parmi les hautes compétences nationales dans les différentes sciences. Ainsi, les personnalités religieuses ne sont pas privilégiées, les autres sciences étant également visées, sans toutefois que soient précisées lesquelles. L’article 5 du décret de 1991 prévoyait que « les membres du HCI aient des connaissances en sciences islamiques justifiées soit par des titres et diplômes soit des études et publications ». Quant au décret de 1998, il était silencieux au sujet des conditions qu’ils devaient remplir. Le 30 juillet 2017, un décret présidentiel a nommé quatorze membres sans que leur fonction ait été précisée. Selon la presse il s’agirait de deux enseignantes, de représentants de la doctrine ibadite, d’un cheikh de la zaouïa d’El Hamel et d’une élite de chercheurs universitaires. En effet, le président du Haut Conseil islamique a  déclaré que « le rite religieux qui fait partie intégrante de la culture ancestrale trouve son origine dans la doctrine achaâria (elle a été fondée par Aboul-Hassan al-Ach’ari (873-935) et fut ensuite reprise par Al-Ghazali et est fondée sur un absolu volontarisme divin) et soufie ainsi que le rite ibadite hérité de la civilisation andalouse et trouvant source du rite hanafite».

Une des missions du HCI est de proclamer « les fatwas religieuses tant dans le cadre officiel que particulier, en liaison avec les instances et institutions spécialisées concernées ». Néanmoins, leur valeur juridique n’est pas précisée. Doit-on considérer qu’il ne s’agit que d’avis, puisque l’organe qui les délivre est une institution consultative ? En tout état de cause, ces avis « ne peuvent se substituer aux, ni empiéter sur les attributions des instances législatives que sont l’Assemblée populaire et le Conseil de la Nation, ou sur celles du Conseil constitutionnel et des Cours de justice ».

Un décret présidentiel du 18 avril 2017 a précisé les prérogatives du HCI, qui sont de mettre « l’islam à l’abri de toute instrumentalisation politique rappelant ainsi […] son attachement aux principes authentiques qui sont en parfaite harmonie avec les composantes fondamentales de l’identité nationale et du caractère démocratique et républicain de l’État ». Le décret de 1998 prévoyait déjà cette prérogative, mais il s’agissait de mettre l’islam à l’abri des « rivalités politiques ».

Le décret a également ajouté de nouvelles prérogatives au HCI qui est désormais chargé de procéder entre autres, « à la conception, à l’édition sur tous supports et à la diffusion de guides et fascicules permettant une meilleure compréhension sur la pratique des rites religieux ». Ainsi, le pouvoir exécutif reconnait l’existence de plusieurs rites religieux.

On peut toutefois noter que l’article qui disposait que les fatwas ne pouvaient se substituer ni empiéter sur les attributions des instances législatives n’a pas été repris par le Décret de 2017.  Que signifie ce silence ? Aussi, il est important de préciser que les fatwas ne sont rendues qu’après saisine par le seul président de la République. Il n’est donc pas possible pour le HCI de s’autosaisir ou d’être saisi par une autre autorité. Il ne peut se réunir en session extraordinaire qu’à la demande du président de la République ou des deux tiers de ses membres. Il représente ainsi un organe au service de l’État et non au service du citoyen musulman.

 Avant le HCI, un Conseil supérieur islamique (CSI) avait été créé en 1966. Cet organe était placé auprès du ministère des Affaires religieuses. Il avait notamment pour mission de prononcer des fatwas religieuses pour les institutions officielles ou autres.

   Toutefois, l’hommage à l’islam religion de l’État n’est pas sans importance puisque cette disposition est insusceptible de modification par révision constitutionnelle, selon l’article 223 de la Constitution.

Dans le même sens, les institutions s’interdisent, entre autres, les pratiques contraires à la morale islamique, selon l’article 11 de la Constitution, sans que cette notion et la valeur de celle-ci soient précisées.

De plus, le président de la République doit être musulman, sans qu’il soit précisé à quels école, courant ou rite il doit appartenir. Il s’agirait d’affirmer ici une nouvelle fois le caractère musulman de la société. La majorité des personnes vivant en Algérie étant musulmanes, il semble inévitable que seul un musulman puisse être élu président de la République. Cependant, il s’agit bien d’une discrimination envers les Algériens non musulmans. Si l’ancienne loi relative au régime électoral ne mentionnait pas l’exigence de soumission d’un document attestant de la confession musulmane du candidat à la présidence de la République, le Code électoral en vigueur depuis 2017 prévoit bien, parmi les pièces à fournir lors du dépôt de dossier de demande de candidature, « une déclaration sur l’honneur attestant que l’intéressé est de confession musulmane». Il s’agit uniquement d’une déclaration sur l’honneur et non d’un certificat d’islamité qui serait délivré par une autorité ou une instance islamique. Cette disposition n’a pas été modifiée par l’ordonnance de 2021 portant loi organique relative au régime électoral. Parmi les pièces demandées au dossier de candidature à la présidence de la République, se trouve l’engagement écrit de ne pas porter atteinte aux composantes fondamentales de l’identité nationale dans sa triple dimension islamique, arabe et amazighe, à des fins partisanes et la préservation et la promotion de l’identité nationale dans sa triple dimension islamique, arabe et amazighe (article 249 de l’ordonnance de 2021). Ce qui était déjà prévu en 1997. S’agissant de la prestation de serment du président de la République, qui se fait en langue arabe, l’article 90 de la Constitution prévoit qu’il jure « par Dieu Tout Puissant, de respecter et de glorifier la religion islamique […] ». En outre, l’engagement solennel de respecter l’islam vient en première position, avant tous les autres impératifs. La prestation doit être conclue par « Dieu en est le témoin ».

Enfin, il est important de rappeler également l’interdiction de fonder un parti politique sur la base de la religion prévue à l’article 57 de la Constitution actuelle. Cette interdiction était déjà prévue à l’article 5 de la loi de 1989 relative aux associations à caractère politique, ce qui aurait normalement dû suffire à interdire l’agrément du Front islamique du salut (FIS), et donc sa présentation aux élections municipales, l’arrêt du processus électoral législatif suite à sa victoire au premier tour et peut-être éviter les années de guerre civile qui ont suivi. Avec pour objectif de renforcer cette interdiction, la Constitution de 1996 a inséré une disposition « de manière explicite et claire » en ce sens, à l’article 42.

Liberté de conscience dans les Constitutions ?  

L’article 4 de la Constitution de 1963 disposait que : « La République garantit à chacun le respect de ses opinions et de ses croyances, et le libre exercice des cultes ». Bien que temporaire, la Constitution de 1963 cherchait à concilier la religion dominante, à savoir l’islam et les autres convictions. D’ailleurs, elle garantissait ce droit dans la même disposition que celle qui consacrait le principe de l’islam religion de l’État. Quant à l’article 10 des accords d’Évian, il disposait que : « l’Algérie garantit la liberté de conscience et la liberté des cultes catholique, protestant et israélite. Elle assure à ces cultes la liberté de leur organisation, de leur exercice et de leur enseignement ainsi que l’inviolabilité des lieux de culte».

L’article 53 de la Constitution de 1976 affirmait que « la liberté de conscience et d’opinion est inviolable ». Elle excluait alors la liberté de croyance et le libre exercice des cultes que garantissait la Constitution précédente.

Quant à l’article 35 de la Constitution de 1989, il disposait que « la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables ». Cet intitulé sera maintenu par la suite. Contrairement au contenu de l’article 53 de la constitution de 1976 qui avait fait de la liberté de conscience et d’opinion une seule et même liberté publique, l’article 35 de 1989 distinguait nettement la liberté de conscience, de la liberté d’opinion.

La révision constitutionnelle de 2016 a modifié l’article concernant la liberté de conscience et d’opinion en ajoutant un alinéa à l’article 42 selon lequel : « la liberté d’exercice du culte est garantie dans le respect de la loi ». Or, la loi peut restreindre cette liberté fondamentale à travers la technique de restriction de la portée de la stipulation par le renvoi à la loi – qui lui apporte des limites ou en conditionne l’application. Ainsi, offrir la possibilité à une loi ordinaire de restreindre une liberté fondamentale revient à réduire la valeur constitutionnelle de cette dernière et ouvre la porte à la légitimation de certaines discriminations.

Quant à la révision constitutionnelle de 2020, elle a tout bonnement supprimé la liberté de conscience et ajouté un alinéa sur la protection étatique des lieux de culte. En effet, l’article 51 dispose :  « la liberté d’opinion est inviolable. La liberté d’exercice des cultes est garantie, elle s’exerce dans le respect de la loi. L’État assure la protection des lieux de culte de toute influence politique ou idéologique ». Bien que la liberté d’opinion soit maintenue, la liberté de conscience est plus englobante.

2.   Le religieux et le politique

Hier : l’islam, référence identitaire et instrument de légitimation

L’islam en Algérie représente une référence identitaire et un instrument de légitimation des différentes politiques qui se sont succédé. Au lendemain de l’indépendance, l’islam a été présenté comme le ciment fédération de la nation algérienne qui lui a permis de lutter contre le colonialisme. L’État algérien le définit comme une composante fondamentale de l’identité nationale. L’islam a ensuite été pensé comme un rempart contre les tentatives de revendication d’un islam politique. En effet, en réponse aux revendications de confusion de la religion et du politique, notamment par le FIS, un islam officiel a été construit progressivement et continue de l’être autour de l’idée du référent religieux national.

Inspiré du Coran et de la sunna, le référent religieux national est une notion non définie, mais qui renverrait aux écoles de pensée musulmane qui ont marqué l’histoire algérienne. Selon le discours officiel, les ulémas algériens en seraient à l’origine. Il permettrait de rassembler les Algériens autour d’un islam ancestral et de les prémunir des influences étrangères extrémistes.

L’islam a ensuite servi de base de légitimation aux différentes politiques interventionnistes de l’État, qu’il s’agisse de la politique socialiste introduite par le président Boumediene, de la politique de réconciliation nationale initiée par le président Zéroual et menée à terme par le président Bouteflika, ou encore de la réforme du droit de la famille. En effet, cette réforme s’est fondée sur l’ijtihad, l’effort de réflexion dans l’interprétation des textes religieux. Selon le président Bouteflika : « loin de toute idée de se démarquer de la charia, en accord avec les grands principes fondamentaux de la Constitution et en harmonie avec les principes et les valeurs humaines universelles, la révision du Code de la famille s’est avérée impérative si nous voulons garantir la stabilité et l’harmonie de la société et assurer le respect de la charia qui reste valable en tout lieu et en tout temps, selon la tradition des premiers exégètes[1] ». Le président a par ailleurs présenté les limites qui se sont imposées à lui lors de cette réforme, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2005 : « Vous avez revendiqué l’amendement du Code de la famille, vous l’avez eu, mais je ne pouvais faire plus […] Il m’était impossible de suivre la voie de certains pour désobéir à Dieu. Je ne peux marchander avec les versets ; aux hadiths peut-être que l’on peut trouver différentes interprétations, mais pas aux versets [2]».

L’islam a aussi été mobilisé par plusieurs ministres pour justifier des réformes juridiques ou des refus de retrait de réserves à des instruments internationaux. Ainsi, en 2015, une loi incriminant la violence contre les femmes a été adoptée pour lutter contre la violence conjugale, le harcèlement de rue, le vol entre époux et la dépossession des biens de l’épouse par son époux. Le ministre de la Justice a déclaré en présentant le projet de loi devant les membres du Conseil de la Nation que les amendements « s’inspirent de l’esprit de la charia islamique». Ce à quoi certains députés islamistes, notamment ceux de l’Alliance de l’Algérie verte, opposés à l’adoption de la loi, ont répondu par une argumentation religieuse fondée sur des versets coraniques et des hadiths. Un an après, en 2016, c’était au tour du ministre des Affaires religieuses de se prononcer sur les réserves de l’Algérie à la Convention internationale de lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Pour démontrer la prédominance du référent religieux, il a affirmé devant le Conseil de la Nation que l’Algérie ne les retirera pas, car ces réserves « sont contraires aux préceptes de la religion musulmane et à l’identité nationale ».

Pour aller plus loin : Belkacem Benzenine, « Réformer les droits des femmes en Algérie », Cahiers d’études africaines [En ligne], 242 | 2021. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-etudes-africaines-2021-2-page-287.html

Aujourd’hui, l’islam, instrument de légitimation

Aujourd’hui encore, l’islam sert de légitimation à la politique de santé publique dans le contexte de la pandémie de Covid-19. En effet, le 28 janvier 2021, la Commission ministérielle de la fatwa du ministère des Affaires religieuses et des wakfs a publié un communiqué n°25 selon lequel, le vaccin contre le virus ne contiendrait aucun composant prohibé par la charia. La question de la nature de ce communiqué se pose.

Le communiqué en question se trouve, parmi vingt-huit autres textes publiés du 15 mars 2020 au 4 juillet 2021, à la rubrique : la Commission ministérielle de la fatwa. Il n’apparait pas à la rubrique : banque des fatwas alors que celle-ci liste pourtant les avis religieux rendus par le ministère en réponse aux questions des internautes. S’il s’agissait d’une fatwa, pourquoi le texte n’y a pas été publié ? A fortiori, l’intitulé même du texte laisse planer un doute sur sa nature. En effet, le texte s’intitule : bayan (communiqué) et non fatwa (avis religieux). Néanmoins, l’organe lui-même a pour dénomination commission de la « fatwa ».

De plus, le texte créant l’organe émetteur, à savoir la commission ministérielle n’a pas été publiée sur le site du journal officiel et reste introuvable. Si le site du ministère Affaires religieuses et des wakfs met en ligne son organigramme, ladite commission n’y figure pas. Le décret exécutif de 2000 portant organisation de l’administration centrale du ministère des Affaires religieuses ne la mentionne pas non plus. La seule référence en matière de fatwa concerne la sous-direction de l’orientation religieuse et de l’activité de la mosquée.  Selon le texte, cette dernière est chargée de « suivre l’activité en matière de fatwa ». Toutefois, l’article 7 de ce décret prévoit que l’organisation de l’administration centrale en bureaux est fixée par arrêté interministériel du ministre des Affaires religieuses, du ministre des Finances et de l’autorité chargée de la fonction publique. Ainsi, on suppose que ladite commission a été créée par arrêté ministériel non publié. En l’absence de texte publié, il n’est pas possible de savoir quelles sont les prérogatives de cet organe ni quel est son mode de saisine. Ce qui soulève le problème de l’accès aux textes des administrés et constitue un non-respect de l’obligation d’information qui pèse sur l’administration selon l’article 8 du décret de 1988. Au regard de cet article, l’administration doit utiliser et développer tout support approprié de diffusion et d’information. L’article 9 ajoute également l’obligation de publier régulièrement les instructions, circulaires, notes et avis concernant ses rapports avec les administrés.

Par ailleurs, en lisant le premier communiqué, on note la formule finale :«  le présent communiqué a été soumis à l’approbation du Haut Conseil Islamique et d’un groupe de savants ». Or, il n’existe pas de notification de saisine du Haut conseil islamique par le président de la République. Rien n’explique non plus la raison le communiqué a été émis par la commission interministérielle de la fatwa rattachée au ministère des Affaires religieuses et non par le HCI, pourtant « institution nationale de référence, de toutes les questions à l’islam » chargée de « corriger les perceptions erronées, la mise en évidence de ses véritables fondements, sa juste et fidèle compréhension, l’orientation religieuse et la diffusion de la culture islamique en vue de son rayonnement à l’intérieur et l’extérieur du pays » (article 4 alinéa 3 du décret présidentiel n°17-141 de 2017). Il faut également noter que les autres communiqués émis par ladite commission ne contiennent pas la formule précédente selon laquelle ils auraient été soumis à l’approbation du HCI.

Au-delà de la question strictement juridique, ce communiqué interroge la place des institutions religieuses au sein de l’État algérien et ouvre le débat de leur impact sur le politique. Si les autorités religieuses n’exercent pas de pouvoir politique et ne s’associent pas à son exercice,  la sollicitation de la caution religieuse est toutefois plus fréquente depuis quelques années. En effet, en 2015,  deux fatwas ont été émises par le conseil scientifique national rattaché au ministère des Affaires religieuses. Le premier autorise l’acquisition de logements sociaux en location-vente et le deuxième, les transplantations d’organes lorsqu’une personne fait don, de son vivant, d’un organe à une personne malade tout en interdisant les dons d’organes vitaux et de gamètes reproductifs.

Cet appel à l’islam dans des domaines non liés aux questions proprement religieuses semble être le signe d’un manque de légitimité étatique et d’une rupture avec les citoyens, accentués par le hirak, le mouvement de contestation populaire, né en février 2019.

3.   L’exercice du culte contrôlé par l’État

Le contrôle du culte musulman

Le ministère dénommé aujourd’hui ministère des Affaires religieuses et des wakfs a changé à plusieurs reprises de dénomination. Constitué au lendemain de l’indépendance, le 27 septembre 1962, il s’appelait ministère des habous, puis en 1970, il est devenu le ministère de l’Enseignement originel et des Affaires religieuses puis des Affaires religieuses et habous, et enfin, depuis 2000, ministère des Affaires religieuses et des wakfs. Il apparait pour la première fois au Journal officiel du 12 mars 1963 et le décret portant nomination des membres du gouvernement le classe en avant-dernière position, juste avant le ministère du Tourisme. Lors du remaniement ministériel d’avril 1977, le ministère des Affaires religieuses et son ministre avaient été directement rattachés à la présidence de la République. Deux ans plus tard, lors du remaniement ministériel établi par Chadli Bendjedid, le ministère ne l’était plus.

Le décret du 9 février 1980 disposait que le ministre des Affaires religieuses avait pour fonction « de veiller au développement de l’action religieuse […], de préparer les générations futures à une meilleure compréhension de l’Islam, religion et civilisation, en tant que composante fondamentale de la personnalité algérienne […], d’expliquer et de diffuser les principes socialistes contenus dans la justice sociale qui constitue l’un des éléments essentiels de l’Islam ». De plus, les principales fonctions de ce ministère étaient de gérer les biens wakfs ou habous.

En 1991, suite à la montée en puissance du FIS et à la mainmise sur les mosquées par des militants islamistes, le contrôle étatique a été renforcé. Deux décrets ont alors été édictés, l’un portant création de la Fondation de la mosquée et l’autre relatif à la construction de mosquées, à leur organisation et leur fonctionnement. Ce dernier définit la mosquée comme ne dépendant « ni d’un individu, ni d’un groupe, ni d’une association […] La mosquée relève de l’État ». En effet, l’article 1 du décret exécutif n°91-81 dispose : « la mosquée est la maison d’Allah. Elle est le lieu de réunion des musulmans qui y font leurs prières, lisent le Coran et écoutent les prêches qui leur sont utiles pour tout ce qui touche à leur religion et à leur vie présente. […] ».

L’État s’était également fixé le but de contrôler les prêches du vendredi.

En outre, depuis 2001, la mosquée bénéficie d’une protection pénale spécifique. En effet, l’article 87 bis 10 du Code pénal dispose que : « quiconque prêche ou tente de prêcher dans une mosquée ou un lieu public consacré à la prière, sans être nommé, agréé ou autorisé à cette fin par l’autorité publique habilitée, est puni d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de 10 000 DA à 100 000 DA. Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50 000 DA à 200 000 DA quiconque par prêche ou par toute autre action, entreprend une activité contraire à la noble mission de la mosquée […] ». Cet article se situe à la section « des crimes qualifiés d’actes terroristes et subversifs ».

En ce sens, en 2008, 53 imams ont été radiés et 42 lieux de culte non autorisés ont été fermés.

Toutefois, les musulmans peuvent exercer collectivement leur culte dans des endroits privés et prier si aucun prêche n’est effectué.

Notons que tout lieu public consacré à la prière est protégé par l’article 87 bis 10. La protection semble donc être étendue aux lieux de culte non musulmans.

Quant au personnel de la mosquée, il relève de la fonction publique et est donc assujetti à l’État. Il existe plusieurs types d’imams : le corps des imams, le corps des mourchidates (fonction existant depuis 2008, il s’agit de femmes chargées d’enseigner les sciences islamiques) et le corps des agents de la mosquée. Au sein du corps des imams, il existe plusieurs grades : l’imam instituteur, l’imam mouderres, l’imam professeur et l’imam professeur principal. Un imam professeur principal peut être contrôlé par des inspecteurs. L’État se charge aussi de leur formation à travers des instituts islamiques et une école nationale chargée de la formation et du perfectionnement des cadres de l’administration des affaires religieuses et des wakfs existe sous la tutelle du ministre des Affaires religieuses et des wakf. Sur ce dernier point, une révision des systèmes de formation des imams a été annoncée en mai 2017 par le ministre.

Enfin, ce ministère gère et contrôle les pratiques de l’islam, qu’il s’agisse de la zakat, de l’aumône légale ou encore du pèlerinage. Son administration centrale comprend la direction des wakfs, de la zakat, du pèlerinage et de la Omra qui est chargée entre autres de superviser la collecte et la distribution des recettes de la zakat et d’en déterminer les modes de dépense. Ainsi l’État, à travers son ministère, est chargé de la collecte de la zakat. Le ministre Mohamed Aïssa a annoncé en 2015 la création d’une fondation de la zakat qui aura pour mission d’en gérer la collecte et la distribution. En avril 2021, son successeur, Youcef Belmahdi, a affirmé que son ministère œuvrait toujours à la création du dit office. Concernant la gestion du pèlerinage, en 2007 l’Office national du pèlerinage et de la Omra (ONPO) a été créé. Il est placé, lui aussi, sous la tutelle du ministre chargé des Affaires religieuses et des wakfs.

 Par ailleurs, plusieurs projets de loi avaient été annoncés dont un portant sur la création d’un observatoire contre les dérives sectaires et l’extrémisme religieux, un projet sur les associations religieuses et un troisième sur la création d’une instance de consultation des fatwas. Aussi, la création d’une chaîne de télévision sur internet relevant du ministère des Affaires religieuses a été annoncée en mai 2017. De plus, l’un des axes du plan d’action du gouvernement déposé à l’Assemblée populaire nationale le 20 juin 2017 est de renforcer le référent religieux national.

Les cultes autres que musulmans

   L’État algérien reconnait les trois monothéismes religieux par le décret présidentiel d’avril 2017 qui a consacré la notion de « rites religieux » et le discours du président du Haut conseil islamique, mais également par les lois qui y font référence.

Parmi ces lois, il existe celle de 1963 fixant la liste des fêtes légales qui dispose que sont fêtes légales, chômées et payées, le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption, Noël pour les personnels algériens et étrangers de confession chrétienne et pour  les  personnels algériens et étrangers de confession israélite, Roch Achana (jour de l’An), Youm  Kippour  (le  grand  Pardon)  et  Pisah  (Pâques).  En 1975, le législateur a apporté une restriction, à travers l’adoption de l’ordonnance n°75-31 faisant office de Code du travail. Au regard de cette loi, si un employeur de confession non musulmane souhaite fermer son unité un jour de fête de sa religion, il doit demander une autorisation à la mairie dont relève son entreprise. Néanmoins, il semble que le droit de bénéficier d’un jour chômé et  payé n’a pas été maintenu par la loi n°90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail. En effet, cette loi prévoit que les jours fériés chômés et payés sont fixés par la loi et confirme également que le jour normal de repos hebdomadaire est le vendredi, et ce, depuis l’ordonnance n°76-77 du 11 août 1976 qui a substitué le vendredi au dimanche.

Il  faut   également ajouter   le   décret   de 1969  qui fixe le régime de rémunération des  ministres  des  Cultes non musulmans, parmi lesquels le culte chrétien (catholique,  orthodoxe  et  protestant) et  le culte  israélite.  Les ministres de ces cultes doivent être de nationalité algérienne et être désignés par l’autorité religieuse de leur confession. Aucune information n’est donnée sur la rétribution effective des ministres des Cultes non musulmans.

Un autre texte vient conforter la reconnaissance de cultes autres que musulmans. Il s’agit de l’ordonnance n°70-20 du 19 février 1970 relative à l’état civil. Si le principe est que les prénoms doivent être de consonance algérienne, il peut en être autrement pour les enfants nés de parents appartenant à une confession non musulmane.

D’autres textes concernent les funérailles et les sépultures. Il s’agit des ordonnances n°75-78 du 15 décembre 1975 relative aux funérailles et n°75-79 relative aux sépultures, lesquelles reconnaissent l’existence de plusieurs cultes.

   Aujourd’hui, les cultes autres que musulmans sont régis plus spécifiquement par l’Ordonnance n°06-03 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans. Cette ordonnance a été édictée à la suite d’une campagne de presse faisant état d’un nombre important de conversions à l’évangélisme. Face au vide juridique dans le domaine, l’ordonnance a été promulguée. Elle a ensuite été approuvée par  la  loi  n°06-09  du  17  avril 2006. Il s’agit d’un instrument émanant de l’organe exécutif, ce qui montre bien que l’État contrôle le champ religieux.  

L’exercice collectif du culte des non-musulmans est doublement conditionné par les dispositions de l’ordonnance de 2006. En effet, il ne peut être organisé que par des associations cultuelles et doit se dérouler uniquement dans des édifices identifiables de l’extérieur et ouverts au public. Des ahmadis ont été condamnés sur ce fondement pour pratique d’un culte dans un lieu non destiné à cet effet.

Les associations qui existaient au moment de la promulgation de l’ordonnance devaient se mettre en conformité d’abord avec ladite ordonnance, mais également avec la loi de 2012 sur les associations puisqu’aucune loi spécifique aux associations cultuelles, n’a été adoptée à ce jour. La constitution d’une association cultuelle repose, en attendant l’adoption d’une loi spéciale, sur les conditions de création d’une association selon la loi de 2012. À la seule différence que la commission nationale des cultes donne un avis préalable à l’agrément d’une association à caractère religieux. Toute la question est de savoir quelle est la valeur de cet avis. Est-il obligatoire ? Certains le considèrent comme tel, alors que pour d’autres il ne s’agirait que d’un avis « consultatif ».

Une  autre  question  se  pose :  sur  quel  critère  se  fonde  la  commission  pour  donner  son  avis ? L’ordonnance  de  2006,  ainsi  que  le  décret  qui fixe  sa  composition  et  les modalités  de son fonctionnement restent  silencieux  à  ce  sujet.  L’article  9 affirme  uniquement  que  les  avis  de  la  commission  relatifs  à  l’agrément  des  associations  à caractère religieux  sont notifiés aux intéressées dans un délai n’excédant pas un mois de sa  saisine.  Néanmoins,  parmi  les  membres  de  la  commission  des  cultes, ne  siège aucun représentant de communautés non musulmanes. En effet, elle est composée principalement de ministres et de représentants   des services de sécurité et non de représentants des différents groupes religieux. En effet, l’article 4 du  décret  dispose que : « La commission, présidée par le ministre des Affaires religieuses et des wakfs ou son représentant est composée de représentants : du  ministre  de  la Défense nationale ; du  ministre de l’Intérieur et des collectivités locales ; du ministre des  Affaires  étrangères ; de la direction générale de la sûreté  nationale, du commandement  de  la  gendarmerie  nationale, de la commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’Homme ». Toutefois, la commission peut faire appel à toute personne susceptible  de  l’éclairer  dans  l’accomplissement  de  ses  missions au  représentant  de  tout culte  dont  elle  juge  la  présence  nécessaire.  Il s’agit donc d’une simple faculté dont dispose la Commission.

Ainsi, un groupe religieux non musulman qui souhaiterait exercer collectivement son culte doit créer une association cultuelle en demandant un avis préalable à la commission nationale des cultes, puis doit obtenir un récépissé d’enregistrement conformément à ce que prévoit la loi de 2012 sur les associations. En échange, l’administration doit fournir un récépissé de dépôt ! En pratique, l’administration ne délivre pas toujours ce récépissé. Donc, rien ne prouve que l’association a rempli les conditions et elle se retrouve dans l’impossibilité d’ester en justice. Ce récépissé de dépôt est provisoire en attendant le récépissé définitif, récépissé d’enregistrement, qui doit être remis au plus tard 60 jours après la déclaration. Par ailleurs, puisqu’il s’agit d’une décision que prend l’autorité, on est dans un régime d’autorisation préalable alors que la loi de 1990 sur les associations était fondée sur un principe de constitution libre qui reposait sur une simple obligation de déclaration préalable.

Une autre exigence est prévue par les textes. Pour fonder une association, les membres fondateurs doivent être au moins 10 pour les associations communales. Ceci signifie qu’un groupe de moins de 10 personnes non musulmanes ne peut exercer collectivement son culte puisque ses membres ne peuvent se constituer en association cultuelle dans un lieu non destiné à l’exercice du culte. Si les modalités de constitution ne sont pas respectées, des sanctions pour appartenance à une organisation illégale sont prévues par la loi de 2012 sur les associations. Des ahmadis ont d’ailleurs été condamnés sur ce fondement « pour engagement dans une association non agréée..

Une troisième condition pèse sur l’exercice collectif des non-musulmans. Celui-ci ne peut s’exercer que dans des édifices destinés à cet effet, ouverts au public et identifiables de l’extérieur dont l’affectation est soumise à un avis préalable de la commission nationale des cultes autres que musulmans. Ceci pose un problème aux petites communautés qui n’ont parfois pas les moyens matériels ou alors dont le nombre d’adhérents est trop réduit pour disposer d’édifices conformes. S’en sont suivies plusieurs mises en demeure adressées à des membres de la communauté protestante qui s’étaient réunis dans des habitations ainsi que des mises sous scellés de lieux de culte. Dans certains cas, une sous-commission de sécurité effectuait une visite, notait l’absence de caméra de surveillance, l’absence d’extincteur, de ventilation… Parfois, des délais sont accordés par les walis pour pallier ces absences afin que les formalités de conformité soient effectuées. Enfin, les manifestations religieuses sont soumises à déclaration préalable au wali, cinq jours avant la date prévue pour le déroulement de la manifestation.

Selon la presse, depuis le mois de novembre 2017, 25 des 45 églises affiliées à l’Église protestante d’Algérie ont été visitées par une commission composée de fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses et de celui de l’Intérieur, ainsi que de gendarmes et de policiers. Certaines ont reçu un courrier les invitant à se conformer aux normes requises concernant les lieux de culte et aux normes de sécurité et de salubrité dans un délai de trois mois. Parmi celles qui ne l’ont pas fait, trois églises d’Oran ont été mises sous scellés depuis le mois de février 2018 et trois ont été sommées d’arrêter leurs activités à Bejaïa, Ouargla et Tizi-Ouzou. Le 2 mars 2018, l’église du village d’Azagher près de la ville d’Akbou dans la wilaya de Béjaïa a été fermée. En 2012, l’Église protestante d’Algérie a intenté une  action  en  justice  afin  de  déloger l’établissement  public  de  santé  de  proximité  du  centre  de  soins  situé  à  la  cité  Akid  Lotfi (Raisinville), à Mostaganem du local dont elle possédait un livret foncier. Le  bien  immobilier  aurait  été  mis  à  disposition  du  centre  de  santé de Mostaganem de manière gracieuse en 1976. Au bout d’une procédure d’une dizaine d’années, le Conseil d’État a rendu une décision favorable à l’Église protestante qui a pu récupérer le bien litigieux. Malgré cette décision favorable, en juin 2021, trois églises fermées en 2020 par le gouvernement ont reçu l’ordre d’être mises sous scellés.

4.   Le religieux et le droit pénal

L’infraction de prosélytisme

L’exercice collectif de culte n’est pas le seul aspect régi par l’État. Pour contrôler davantage les non-musulmans, les autorités algériennes ont justifié l’adoption de l’ordonnance de 2006 par un soi-disant contexte de « prosélytisme destructeur ». 

En effet, le communiqué du Conseil des ministres qui a adopté le projet d’ordonnance affirme que le texte « énonce des dispositions destinées à mettre un terme aux activités anarchiques d’associations et de personnes […] ainsi qu’aux entreprises de prosélytisme menées à l’endroit de musulmans en Algérie ». L’ordonnance avait pour ambition de pénaliser la conversion d’un musulman à une autre religion sans qu’aucune disposition incriminant le prosélytisme n’existe en droit algérien.

Ainsi, l’article 11 de l’ordonnance de 2006 relative à l’exercice des cultes autres que musulmans condamne de deux ans à cinq ans de prison et à une amende de 500 000 à 100 000 dinars algériens (DA) quiconque « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion » et quiconque « fabrique, entrepose ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre moyen qui visent à ébranler la foi d’un musulman ». Or, ceci est une discrimination envers les personnes non musulmanes qui les contraint à ne pas pouvoir s’exprimer librement au sujet de leur croyance, au risque d’être accusées sur le fondement de cet article. Par conséquent, les citoyens algériens non musulmans ne peuvent, du moins sur le plan légal, s’exprimer ouvertement sur la foi. Leur liberté d’expression religieuse, corolaire du droit à la liberté de religion, est bafouée.

Les questions de l’entreposage et du nombre d’ouvrages de littérature religieuses autres que musulmane sunnite se sont également posées lors des affaires en justice, notamment celles de la possession de bibles dans l’affaire Habiba Kouider ou encore d’ouvrages sur l’ahmadisme. Toutefois, la jurisprudence n’est pas assez importante pour pouvoir déterminer la méthode d’estimation de la quantité et de la qualité de la nature de la littérature.

Les infractions d’atteinte à l’islam

Le Code pénal prévoit aussi d’autres incriminations portant atteinte à l’islam.  

En effet, l’article 160 de ce code punit « d’un emprisonnement de cinq à dix ans quiconque volontairement et publiquement détruit, mutile, dégrade ou profane le Livre Sacré ». Seul le Livre Sacré, le Coran – la version arabe et donc officielle parle d’al-moshaf al-charif -.

Quant aux lieux réservés au culte, ils sont protégés par l’article 160 ter aux termes duquel quiconque volontairement les dégrade, détruit ou profane est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 1000 DA à 10 000 DA. Toutefois, le terme « culte » est au singulier ce qui laisserait croire que seuls les lieux du culte musulman sont protégés par cette disposition.

L’article 96 du Code pénal algérien dispose : « quiconque distribue, met en vente, expose au regard du public ou détient en vue de la distribution, de la vente ou de l’exposition, dans un but de propagande, des tracts, bulletins et papillons de nature à nuire  à  l’intérêt  national,  est  puni  d’un  emprisonnement  de  six  mois  à  trois  ans  et  d’une  amende  de trois mille six cents à 36 000 DA. Lorsque les tracts, bulletins et papillons sont d’origine ou d’inspiration étrangère, l’emprisonnement peut être porté à cinq ans ».

Quant à l’article 144 bis 2 du même code, introduit en 2001, il prévoit que : « est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de cinquante mille (50 000) DA à cent mille (100 000) DA, ou l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen ». Toutefois, une objection peut être apportée à la traduction officielle de cet article. En effet, la version arabe – et donc la version officielle, utilise le terme : istahzaa bi al maalum min al-din bi adharur aw bi ay sha’ira min sha’air al-islam. Ainsi, « quiconque dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam » devrait être traduit littéralement par quiconque se moque ou persifle ce qui est connu de la religion et d’un des rituels de l’islam. Le dernier alinéa de l’article prévoit que les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public. Ainsi, ce dernier n’a pas le pouvoir d’apprécier l’opportunité d’engager ou non des poursuites, il a donc une compétence liée.

Cet article 144 bis 2 du Code pénal a été mobilisé par la justice pour condamner des personnes ayant rompu le jeûne du mois de ramadan en public, même si les peines n’ont pas toujours été appliquées ou réduites en appel à des amendes. Cette disposition, ainsi que l’article 96 du même code, ont également servi de fondements pour la condamnation d’Algériens ahmadis perçus comme appartenant à une secte dont la doctrine est d’inspiration étrangère, cherchant à nuire à l’intérêt national ou encore des personnes ayant posté des caricatures sur les réseaux sociaux, notamment sur leur page Facebook.

De nombreuses affaires ont été relayées par la presse algérienne et internationale et les ONG de défense des droits de l’homme. Citons trois exemples. Le premier est celui de Slimane Bouhafs ancien gendarme converti au christianisme qui a été condamné en 2015, en première instance, par le tribunal de Sétif à cinq ans de prison et à une amende de 100 000 DA pour « offense au Prophète » et « prosélytisme non musulman » (article 11 de l’ordonnance de 2006 relative aux cultes autres que musulmans) suite à un message publié sur Facebook. Le 6 août 2016, la Cour d’appel de Sétif avait réduit sa peine à trois ans de prison ferme. En 2017, il a bénéficié de la grâce présidentielle.

Le deuxième exemple est celui de Yacine Merbarki, militant du hirak. Le 8 octobre 2020, le tribunal de Khenchela l’a condamné à une peine de dix ans de prison assortie d’une amende de 10 millions DA, une peine plus lourde que le réquisitoire du parquet qui avait demandé huit ans de prison. Le tribunal de Khenchela a condamné le prévenu en retenant quatre chefs d’accusation, dont l’incitation à se convertir à une autre religion et la distribution de documents qui visent à ébranler la foi d’un musulman et l’offense au dogme et aux préceptes de l’islam. Selon le tribunal, l’accusé se retrouvait dans des cafés en présence de musulmans et se moquait de certains dogmes de l’islam. Il ajoute que celui-ci a partagé du contenu audiovisuel à partir de pages Facebook hostiles à l’islam. Il affirme également que Yacine Mebarki a partagé, dans des conversations sur le réseau social Messenger, du contenu insultant l’islam, avec des personnes musulmanes. La Cour d’appel a réduit sa peine à un an de prison et à une amende de 50 000 DA . Elle a écarté les infractions fondées sur l’article 11 de la loi de 2006, soit celles de prosélytisme. Il était, sans doute, périlleux de justifier l’intention de l’accusé de convertir ses contacts Facebook. Retenir une telle infraction aurait nécessité de prouver que les destinataires des messages étaient musulmans.

Quant à Said Djabelkhir, islamologue, il a été condamné le 22 avril 2021 à trois ans de prison ferme et 50.000 dinars d’amende sur le fondement de l’article 144 bis 2 en première instance par le tribunal de Sidi M’hamed. Une plainte a été déposée contre lui par un autre universitaire en raison de certaines publications sur sa page Facebook considérées comme portant atteinte aux dogmes et aux préceptes de l’islam et offensantes vis-à-vis du Prophète de l’islam. Dans son jugement, le tribunal commence par rappeler des dispositions constitutionnelles, notamment l’article 2 selon lequel l’islam est religion d’État, mais également l’article concernant la liberté de conscience et d’opinion. Il faut noter que le tribunal ne tient pas compte de la dernière révision constitutionnelle supprimant la liberté de conscience et cite l’ancienne version et l’ancienne numérotation. Selon lui, la liberté religieuse doit être pratiquée sans porter atteinte à l’ordre public étatique. Le tribunal rappelle également qu’il n’existe pas d’incrimination d’apostasie et que l’exercice d’un autre culte est un droit fondamental. La formation de jugement mentionne également l’incrimination d’atteinte aux dogmes et aux principes de l’islam. Si le prévenu a nié s’être moqué de l’islam et du prophète et a avancé l’argument de sa liberté d’opinion en tant que chercheur scientifique, le tribunal a considéré qu’il n’avait pas apporté la preuve que ses publications, et notamment les citations litigieuses, respectaient une méthodologie de recherche. Le procès en appel devrait se tenir en septembre 2021. Il sera intéressant de voir si l’article 75 de la Constitution qui garantit « les libertés académiques et la liberté de recherche » sera mobilisé.

5.   Le religieux et le droit de la famille

La principale branche du droit sur laquelle la charia continue d’exercer une influence en Algérie est le droit de la famille. Celui-ci a été codifié par une loi de 1984 portant Code de la famille, qui a été révisée en 2005, et dont la substance est grandement inspirée du fiqh. Le fiqh vient de l’arabe faqiha (comprendre, concevoir) et signifie littéralement compréhension. La traduction juridique la plus proche serait « doctrine islamique ». Il s’agit des opinions exprimées par des jurisconsultes sur une question de droit, d’un corpus normatif à partir de leur compréhension de la révélation coranique et de la tradition du prophète).

Le Code de la famille a été inspiré principalement de l’école malikite. L’article 222 du Code de la famille dispose même qu’en cas de silence de la loi, il est fait référence aux dispositions de la charia. Ainsi, cette dernière est une source subsidiaire, dans laquelle le juge doit puiser des solutions à chaque fois que le législateur n’en a pas prévues.

Survivances du fiqh dans le Code de la famille

Les conditions relatives au mariage, au divorce, à l’attribution de la garde des enfants ou encore les règles de dévolution successorale sont autant de dispositions inspirées du droit malikite.

De plus, certaines institutions de droit musulman sont reprises par le droit algérien, comme la kafala – recueil légal – qui se substituerait à l’adoption qui est interdite, selon l’article 46 du Code de la famille aussi bien par la charia que par la loi. De plus, l’article 118 du Code de la famille dispose que « le titulaire du droit au recueil légal (kafil) doit être musulman […] ». Ce qui est discriminatoire à l’égard des non-musulmans qui ne peuvent être titulaires du droit au recueil légal ni ne peuvent adopter d’enfant puisque l’adoption n’est pas autorisée.

D’autres institutions issues de la charia continuent d’exister comme le mariage polygamique, bien qu’assorti de conditions strictes et malgré une judiciarisation de la procédure, ou encore la répudiation, également encadrées depuis 2005.

Toutefois, la réforme du Code de la famille algérien accorde une place importante au juge. Elle prévoit également que le père n’a plus de statut de chef de famille, pour laisser place à une concertation mutuelle des époux dans la gestion des affaires familiales. L’épouse n’a ainsi plus d’obligation d’obéissance envers son mari. Le Code de 2005 a aussi modifié l’ordre de dévolution de la garde de l’enfant en plaçant dorénavant le père en deuxième position après la mère.

De plus, l’influence de l’islam sur le droit de la famille a un impact sur le régime juridique des non-musulmans. En effet, le mariage de la musulmane et du non-musulman est un empêchement à mariage, selon l’article 30 du Code de la famille.  Quant aux enfants, ils doivent être éduqués dans la religion de leur père, même si la mère n’est pas musulmane. En effet, l’article 62 du Code de la famille dispose que « le droit de garde (hadana) consiste […]  en l’éducation de l’enfant dans la religion de son père ».

L’apostasie ou la perte de droits civiques

Une des dispositions contraires à la liberté de conscience est celle qui fait perdre des droits civiques à ceux qui quittent l’islam, et ce, même si la liberté de changer de religion n’est pas sanctionnée sur le plan pénal en droit algérien.

Par exemple, les citoyens convertis à une religion autre que l’islam sont des apostats qui perdent leur vocation successorale. En effet, l’article 138 du Code de la famille dispose que : « sont exclus de la vocation héréditaire […] les apostats ». Il existe très peu de jurisprudence concernant la succession des apostats. Toutefois, dans une affaire, des cohéritiers souhaitant exclure leur frère de l’héritage de leur mère décédée avaient avancé son apostasie et sa conversion au christianisme.

S’agissant des non-musulmans, il semblerait que, dans le silence de la loi, la jurisprudence[3], en recourant au fiqh, considère qu’ils ne peuvent hériter d’un musulman sauf s’ils se sont convertis à l’islam avant le décès du de cujus. Toutefois, l’article 200 dispose que « le testament est valable entre personnes de confessions différentes ».

Le droit de la famille va plus loin et fait perdre à la mère apostat son droit de garde sur ses enfants même s’il n’est pas refusé à une mère non musulmane.

Quant à l’apostasie d’un époux, il n’existe pas d’uniformité dans les décisions de justice concernant le préjudice. La Cour d’appel de Tizi-Ouzou a rendu un arrêt confirmatif, le 11 juin 2014 considérant que « le divorce a été prononcé en raison de l’apostasie du mari et que de cette façon, a été empêché tout préjudice qui pourrait être causé à l’appelante ». Alors que le Tribunal de Cheraga, wilaya d’Alger, a, le 11 avril 2016, suivi la jurisprudence de la Cour suprême en accordant des dommages-intérêts à l’épouse. La Cour suprême a donc considéré que la conversion de l’époux à une religion autre que l’islam et donc son apostasie constitue un préjudice permettant à l’épouse de fonder sa demande de divorce et lui ouvrant droit à indemnisation.

Conclusion

Au regard de ce qui précède, nous pouvons conclure que l’Algérie n’est pas un État confessionnel ou théocratique. Les rapports entre l’islam et le politique ne s’exercent qu’à travers l’utilisation de l’islam comme instrument de légitimation politique et à travers deux organes, l’un consultatif, le Haut cƒonseil islamique et l’autre exécutif, le ministre des Affaires religieuses et des waqfs avec une volonté de l’État de contrôler le religieux. Ainsi, le religieux reste sous l’entier contrôle de l’État. Bien qu’il continue d’influencer le droit de la famille, les normes émanent de l’État et leur respect est confié à des juridictions étatiques séculières.

Zohra Aziadé ZEMIRLI, Juriste, post-doctorante à l’IRD (Université de Paris/CEPED) et membre du laboratoire islam et altérité de l’ISTR.


[1] PAPI S., « Islam et droit musulman au Maghreb : une référence centrale, mais d’application limitée »,

L’année du Maghreb , I | 2004, mis en ligne le 08 juillet 2010.

[2] BRAS J-P., « La réforme du code de la famille au Maroc et en Algérie : quelles avancées pour la

démocratie ? », Critique internationale , 2007/4 n°37, p.114

[3] SAIS D., al ijtihad al jazairi fi madat al ahwāl al-shakhsiya, La jurisprudence algérienne dans les affaires personnelles, Alger, Cliceditions, 2013, Volume 3, p.1205 

pdf-1.-Constitution.fr_.

pdf-2.-Constitution-arabepdf

pdf3.-D.91.-fr

pdf4.-D.98.-Fr

pdf5

pdf6.-HARO-SUR-LE-SECTARISME-ET-LA-FITNA-PDF-Free-Download